jeudi 15 novembre 2012

Le dressage et son mythe

© Cerbère - Carlos Pinto et Notavel à Cheval Passion



L'article que je consacre aujourd'hui au dressage va sembler d'une simplicité effarante aux initiés. Parce qu'il ne s'adresse pas à la technique mais au coeur des cavaliers. Dans cet instant suspendu entre la nostalgie d'un temps révolu et la grâce de nouvelles sensations. Quand tout devient plus difficile dans son concept et plus facile dans sa réalisation. Quand le cheval donne tellement et qu'il semble qu'il y ait toujours plus à prendre. Et quand le cavalier se sent centaure sans oublier qu'il appartient à la terre.

Dix ans. C'est approximativement le temps que j'ai considéré nécessaire pour être à peu près regardable à cheval. Et dix ans, c'est long. C'est une carrière de sportif. C'est plus qu'un doctorat. Faut-il bien être masochiste pour endurer une dizaine d'années de travail avant un résultat loin de la satisfaction intégrale ? Peu de sports sont régis par une telle exigence. Mais quand je parle de sport, je ne parle pas de l'équitation dans sa globalité dans laquelle le loisir est tout à fait intégré. Je parle ici de dressage.

Et de Dressage avec un grand D. Parce que c'est comme cela qu'on le voit quand on est jeune cavalier. Une entité peut-être noble mais surtout lointaine et effrayante. C'est la faute ou la cause à l'approximation de notre apprentissage tout neuf. Le Dressage, c'est enrobé de termes gros comme lui. Ça cause Pirouette, Piaffer, Passage. Et puis, ça va avec tout son folklore. Une Bride, des Eperons, un Chapeau. Grand diable, comment est-ce que cette forme patatoïde que j'essaye de rendre cercle pourrait entrer dans les prémices de cette institution ?

Tous les cavaliers pratiquent le dressage, c'est plus ou moins la fonction de son intitulé fourre-tout qui vaut des regards interrogateurs de tout non-initié. Mais tous ne sont pas cavaliers de dressage. J'évoque le "mythe" du dressage car je crois réellement que cette discipline relève de cette idée plus qu'une autre. C'est déjà ces croyances de jeune cavalier au couple centaure que l'on voit enchaîner figures sans que rien ne semble indiquer communication entre les deux si ce n'est celle intuitive. Puis, c'est l'accès à la connaissance, aux premiers émois, bribes d'airs et de figures. Qui viennent avec leur lot de méthodes et de gourous.

Je ne pense pas vous surprendre, amis lecteurs, en considérant que le milieu du dressage est tout particulier dans son fonctionnement qui peut s'apparenter à celui d'une religion. Pas d'une secte, ce serait croire que tout le monde suit la même logique. Non, le dressage, c'est la chrétienté, les adeptes du dressage moderne, les protestants, ceux du dressage classique, les catholiques ( ou vice versa ) et le reste fait sa petite recette dans son coin avec plus ou moins de radicalité. Je vais trop loin ? Mais n'est-ce pas en dressage que sont évoqués textes fondateurs et autres maîtres écuyers ?

Au début, je crois en Dieu. Puis, j'apprends que c'est peut-être pas tout à fait comme c'est écrit dans la Bible. Et je continue de croire. Mais plus innocemment. Le dressage, c'est la même chose. J'admire les grands cavaliers. Et, plus j'apprends, plus j'en vois les ficelles, moins ils appartiennent au domaine du rêve. Mais je continue à fantasmer de cette transition passage-piaffer - même si elle avance un peu. Du coup, je suis moins radical. Je hoche la tête quand les pro-cordelettes s'indignent contre la bride. Nous n'avons pas la même croyance mais nous pouvons vivre en paix.

Et pourtant, le dressage, c'est le théâtre de croisades régulières pour sa méthode, contre les autres. Puis, aussi, contre les autres disciplines tant qu'à faire. Bien sûr, il y a les modérés, ceux qui font moins de vagues, qui enchaînent tranquillement leurs gammes dans le coin de leur manège. Jusqu'à ce qu'on sorte fourches et bûcher pour une photo ou une vidéo qui, pour une raison ou une autre - le plus souvent celle du manque de réseau - fustige la grande Académie du dressage. Car, tous, nous devrions nous cacher : le dressage ne tolère que la perfection.

jeudi 5 juillet 2012

Du manque d'inspiration


Oui, il y a beaucoup de carrés blancs sur ce blog.

Cet article sera bref. Comme vous avez pu le noter, chers lecteurs attentifs, ces dernières semaines ne sont pas à la hauteur de la floraison d'articles qui s'était entamée avec l'ouverture du blog. Je ne sais pas pour Pauline mais moi, je souffre cruellement d'un manque d'inspiration. Pas que pour écrire des notes, si ça peut vous rassurer. C'est la fin d'une année riche, lieu d'un gros travail d'écriture qu'était le mémoire. Et je crois que ce dernier ainsi que les dossiers de concours, l'ébullition photographique m'ont pompé toute mon énergie créatrice. Maintenant, c'est terminé et c'est le vide, le néant, plus d'obligation à tenir. Juste moi devant ma page blanche. Et je vais vous dire quoi. Ça énerve, ça retourne l'estomac, ça fait se sentir inutile. Mais ça fait foutrement du bien. Que de ne pas être obligé à réfléchir.

Trop de théorie, trop de mots, trop de réflexion. On essaye de mettre de l'intérêt dans tout, d'y trouver du sens. Puis, finalement, on s'oublie. Et depuis quelques temps, j'ai retrouvé mon être physique. J'ai arrêté de me percher dans les méandres de mon cerveau qui me donnait l'impression d'être une sorte d'entité intellectuelle sans corps. Et ce, dans la plus pure simplicité. Et la simplicité, elle ne se trouverait pas sous le sabot du cheval, par hasard, mes amis ? Je crois que si. Je crois que beaucoup de nos lecteurs ici sont au fait des larmes et des frustrations que peuvent créer l'équitation et la relation avec un animal. Mais celles-ci se montrent plutôt entre les moments passés avec eux. 

Pour moi qui pense définitivement trop, m'occuper d'un autre être vivant représente un moyen efficace de se focaliser. Je descends de cheval et je me dis "à quoi ai-je pensé tout ce temps ?" et la réponse, c'est "à rien". Je n'ai pas l'impression de penser, de réfléchir à proprement parlé même si c'est toujours le cas. Ce que fait ressortir l'équitation chez moi, c'est l'instinct. J'apprends la théorie mais une fois que je suis perchée, c'est l'instinct qui résonne, qui me fait corriger, qui donne des informations à mon corps. Et ce, avant même d'avoir l'impression de pouvoir les analyser. Et ça fait du bien, de "savoir" la réponse, et de ne pas la chercher.

Donc, merci Ténérife d'être un gros bébé pataud qui a besoin d'être cadré. Merci Prisca de m'offrir cet espace de liberté. Et de me faire faire les boxes de temps en temps, qu'il n'y ait qu'une seule chose qu'il me vienne en tête "quel gros crado, comment je suis censée trier ?". Et cet article n'était pas si bref, la preuve que j'ai encore des choses à dire ! A bientôt pour, je pense, une pause photographique avec Beaucaire, des crins longs et un air qui donne envie de s'exclamer : Olé !

mercredi 20 juin 2012

Date de péremption

Bon le titre est volontairement de mauvais goût, mais il recouvre une certaine réalité. En dressage, il existe une date de péremption. Pour les chevaux, mais aussi pour les cavaliers.



Un style marque une époque... et la discipline continue d'évoluer, les jugements, les chevaux, les regards, les techniques...
Le retour d'Anky van Grunsven à Saumur n'a pas été à la hauteur des attentes de son entraîneur, et Isabell Werth songe à arrêter la course aux J.O. faute de pouvoir égaler les nouvelles étoiles allemandes de la discipline.

Je pense à ces deux cavalières car elles ont tout gagné, et qu'on aime ou non leur équitation (à titre personnel c'est "non", mais je ne peux que m'incliner devant la force de travail qu'il faut pour se propulser à ce niveau et ce aussi longtemps), elles ont permis au dressage de sortir de la naphtaline dans laquelle il baignait.

Et ce constat, je le fais aussi pour d'autres cavaliers. Récemment je regardais des vidéos d'un écuyer du XXe siècle. La séance de travail était intéressante, le résultat aussi. Mais franchement, ça ne me vendait pas du rêve comme on dit. Et pourtant, si on m'avait demandé ce que je pensais de l'écuyer en question quelques années auparavant, j'aurais probablement dit quelque chose comme "waaaaouh".

J'imagine que cette date de péremption est simplement le reflet d'une vision personnelle, de mon oeil, bref, que chacun d'entre nous possède sa propre sensibilité à ce sujet et que rien n'est figé, mais toujours en évolution.

Sommes-nous périssables dès lors que quelqu'un fait mieux, ou simplement lorsque nous cessons d'apprendre et d'évoluer ? Je n'ai pas la réponse, mais je reconnais que la question me travaille.







dimanche 3 juin 2012

Une leçon

bienveillance, nom féminin :
Définition : disposition d'esprit inclinant à la compréhension, à l'indulgence envers autrui.


Synonymes : affabilité, aide, altruisme, amabilité, amitié, bénévolence, bénignité, bienfaisance, bon accueil, bonne volonté, bonté, bon vouloir, charité, clémence, coeur, complaisance, compréhension, condescendance, cordialité, débonnaireté, dévouement, douceur, faveur, générosité, gentillesse, grâce, honnêteté, humanité, indulgence, intérêt, magnanimité, mansuétude, obligeance, ouverture d'esprit, prévenance, sympathie, tolérance.

Pour le commandant Licart, la bienveillance devait être une des qualités primordiales d'un dresseur.

Sommes-nous toujours bienveillants à l'égard des chevaux ? Je crains que la réponse soit négative. Peu de gens peuvent se targuer d'avoir un calme à toute épreuve, une bienveillance sans faille... et surtout sans que ces qualités ne soient issues de très longues années de pratiques équestre où elles ont pu briller par leur absence. Une découverte amenée par l'experience... mieux vaut tard que jamais, mais tôt aurait été préférable.

Et au delà de la bienveillance envers les chevaux, il en va aussi de la bienveillance que l'on peut avoir pour soi-même en tant que cavalier. Accepter ses erreurs, ses lacunes, ne pas placer la barre au sommet de l'Everest, ne pas blâmer le cheval par mauvaise foi.

Si j'ai un garde fou pour la première option qui est de descendre quand je sens que ça ne va plus, je suis une grande spécialiste de la seconde... qui m'amène bien évidement à la première. Et le cercle vicieux démarre ainsi.
Entre hier et aujourd'hui, j'ai pris une bonne leçon de bienveillance. Leçon que je partage, si elle peut servir à qui que ce soit.

Hier j'étais donc à cheval sur T. un gros KWPN aussi talentueux que froid (et inversement). Le genre Die Grosseuh Machineuh doté d'un diesel de sous-marin. Top quand il est en route, encore faut-il le démarrer.
Hier le moteur est resté froid, hier le chef était dans le manège et montait pendant que je montais. Hier j'ai eu honte de moi et j'enrageais à l'idée de ne pas arriver à obtenir le quart du dixième de ce que je peux avoir quand je suis seule. Hier j'ai préféré renoncer dans l'amertume. Le chef a résumé ça par un laconique "tu fuis". Qui s'en est suivi par une conversation sur l'acceptation et la bienveillance.
Je suis rentrée chez moi d'une humeur de chien.
J'ai mis la nuit pour digérer.

Aujourd'hui je me suis dit "je m'en fous, je prends ce qu'il me donne".  Voyant que ça démarrait aussi mal j'ai refais mes bases, mes gammes, j'ai cherché une solution en acceptant que le diesel ne se lance pas comme je le voudrais.
Au bout d'une quinzaine de minutes de solfège tranquille (et bienveillant !), T. s'est mis tout seul dans un nouveau trot rassemblé. Pas un trot "Holywood", pas un trot de grosse mécanique comme il sait le faire, juste un joli trot sobre aussi agréable à regarder qu'à monter. Un trot que je n'avais jamais eu avec lui, et dont la découverte m'a enchantée.
Peut-être que ce trot là ne reviendra pas demain, peut-être que si. Mais ça n'a aucune importance, la leçon du jour n'était pas ici.

La leçon du jour était une leçon de bienveillance, aussi nécessaire pour l'humilité que pour l'estime de soi. Les deux vont très bien de paire et je remercie T. de me l'avoir expliqué et de m'avoir réconciliée avec moi-même.



Note : un peace tie dye je trouvais que c'était très indiqué pour illustrer cette note pleine de mièvrerie. Et puis ne faites pas les rabat-joie je suis sure que ça vous rappelle vos beaux t-shirts javelisés des années 90 !


samedi 2 juin 2012

Ca, c'est spectacle !

Cet article est à prendre avec l'ironie nécessaire et tant pis pour ceux que ça fait grincer des dents !


Ça, c'est spectacle !

Piaffer ou cabrer sur le béton, ça c'est spectacle !
Avoir le rein maigre mais le cheveu long, ça c'est spectacle !
La tension ? Le dos en baignoire, ça c'est spectacle !
La rectitude ? Marcher en crabe, ça c'est spectacle !
Du jeté de papattes ou du trot du genou, ça c'est spectacle !
Détruire la bouche ou les jarrets de son cheval, ça c'est spectacle !

Vous l'aurez compris, il y a un pan du monde équestre - parmi d'autres mais ceux-là me concernent moins - qui me laisse souvent sans voix - et ce n'est pas de bonne augure ici - qu'est le spectacle. Je ne parlerais pas ici d'art, ma copine Pauline l'a très bien fait, d'autant que même si certains utilisent l'expression à toutes les sauces, c'est pour moi, au même titre que la qualification qu'en font les aficionados de la corrida, une insulte à tous les créateurs, à ces personnes ayant une réelle démarche autre que celle de plaire au public et de gonfler leur propre ego. L'art n'est pas à confondre avec le divertissement si il peut très bien fusionner avec lui. Bref, faire une entrée au pas espagnol costumé sur de la musique ne fait pas de vous un artiste.

Je ne condamne pas tout le monde du spectacle, bien sûr que non. Même si je ne me sens pas touchée par le travail de certains, je sais reconnaître la prouesse technique, la maîtrise de l’exécution et le respect du cheval quand ils sont présents. Ce que je déplore, d'autant plus quand on se rapproche de l'époque des salons du cheval, c'est la foire à neuneu dans laquelle tout le monde qui peut plus ou moins faire n'importe quoi avec son cheval du moment qu'il y a quelques badauds pour regarder se retrouve propulsé au même rang que les premiers cités. Car, et c'est là que le bât blesse, il est aisé dans le milieu de ne se fier qu'à l'avis d'un public novice et facilement impressionnable plutôt qu'à ses pairs. Un cabrer, même intempestif, un piaffer d'énervement, un galop-arrêt avec trois dents en moins, tout ça est du plus bel effet quand on ne connait pas l'animal et l'équitation. Alors, la voie n'est pas noble mais le chemin est facile. Qui pour croire que tous préfèrent répéter gentiment leurs gammes dans un manège plutôt que d'accéder à une notoriété rapide ?

Mais tout ceci est bien trop sérieux, messieurs, dames ! Revenons à un thème plus léger mais qui me hérisse le poil bien souvent, du moins qui me fait redouter la mort imminente de mes tympans. Je tiens donc à évoquer ici l'accompagnement musical. Ce qui rejoint une espèce d'idée de folklore équestre où l'évolution semble être une espèce de formule abstraite dans laquelle il ne faut surtout pas baigner sous peine de se voir traiter comme une sorte d'être particulier, un marginal. Mais je m'éloigne encore une fois de mon point de départ puisque je pense que le combat classique vs. moderne prendra place dans une autre note. Donc, qui jamais ne s'est rendu à une démonstration où musique classique - et je ne parle pas là du terreau immense qu'est celle-ci vu que son utilisation doit être de 5 % dans le domaine équestre comprenant les "classiques des classiques" et d'autres trucs chiants - et flamenco se battent en duel, dans un tel marasme que vous ne soupçonniez pas qu'on puisse faire autant de variations tout en ayant l'impression que c'est la même mélodie qui se déroule en boucle ? Pour sortir un peu du cauchemar,  vous avez également la musique de film, ces morceaux grandiloquents visant à démontrer la PUISSANCE de la monture indomptable dompté pour l'occasion ! Alors, plouf plouf, Pirates des Caraïbes ou Gladiator ?

Cette note me rappelle une discussion sur l'idée d'une musique qui ne colle pas aux émotions, à l'intrigue au cinéma. C'est un peu ce qui différencie Hollywood du film d'auteur. Il y a un choix à faire, se laisser bercer par des effets complètement stéréotypés qui vous orientent vers un plaisir facile et la mort de votre cerveau ou prendre le parti d'être surpris, désorienté, attaqué dans vos convictions, blessé peut-être mais au moins vivant. Vous l'aurez compris, le mien est tout fait, il ne concerne que moi et merde, ne me sortez pas des reprises faites sur du Lady Gaga ou autre single à la mode. Parce que c'est différent mais ce n'est pas mieux ! C'est encore de la poudre aux yeux pour plaire au plus grand nombre. Réintroduisons de l'art, de la culture et du sentiment dans le cheval ! Que chacun prêche pour sa paroisse mais qu'il y ait un peu d'inventivité dans l'air ! Que chacun bouscule l'autre dans une entente cordiale ! Et que soit redoré le blason des cavaliers ! Nous ne sommes ni des bouseux, ni des snobs, juste des gens comme les autres avec un compagnon qui nous prête deux jambes supplémentaires pour que nous soyons plus forts ensemble.

( Pour ceux qui n'auraient pas reconnu l'image, il s'agit de la série "Palace" : http://www.youtube.com/watch?v=96ETQogBm3Q )

mardi 29 mai 2012

Oui mais moi, je fais du lard !

Carré Blanc sur fond blanc, Malévitch 

Ou encore l'art et le cochon, c'est comme on veut. (non je ne prétends pas gagner la palme du titre le plus subtil de l'année) 

Cette note m'est venue en tête à force de lire "oui mais moi je fais de l'art" ou encore "l'équitation n'est pas une science, mais un art". Traduction : je fais ce que je veux avec mon cheval car il n'y a que moi qui le connaît et que de toutes façons si on essaie de faire autrement il ne voudra pas car il est trop sensible, émotif, fragile, chaud, rayez la mention inutile.
Zutalors. On m'aurait menti ? L'art signifie l'improvisation, le bidouillage, la création maison ? 


Et si on allait à la rencontre des autres arts, qu'y apprend-on ? Qu'avant de se prendre pour Chopin on fait du solfège (pas drôle !), qu'avant de sculpter on apprend la notion des volumes et des proportions (ouh, on dirait de la géomètrie dans l'espace)... Bref qu'avant de créer on apprend les bases d'une discipline, les sciences
qui les définissent et les régissent, parce que nous ne naissons pas tous Mozart et que si certains sont naturellement doués pour quelque chose (les bienheureux !), je parle ici du commun des mortels. Et surtout de moi parce que je suis égocentrée/centrique. 

Et monter à cheval, même si cela implique de travailler avec un être vivant ce qui rend la discipline unique il est vrai, obéit pourtant aux mêmes règles. Avant de vouloir dresser un cheval, si nous nous appliquions à apprendre les sciences qui sont indispensables à la réussite de cette entreprise ? Au hasard pour faire savant : biomécanique, éthologie... c'est vulgaire, pompeux? Pourtant observer le cheval c'est ce que les "anciens" ont fait pour les dresser, et cela même avant l'invention de ces mots. Les écuyers étaient déjà des scientifiques, et en cherchant à améliorer le cheval par l'invention de la gymnastique, du dressage, ils raisonnaient déjà avec la recherche de la logique et du rationel. L'inventeur de l'épaule en dedans ne l'a pas fait pour se faire mousser auprès de ses contemporains. Et comme dans une science, cette découverte à révolutionné la pratique pour en permettre d'autres.


Comme toute science, l'équitation est en perpétuelle évolution, avec des inventions parfois géniales, parfois ravageuses. Les travaux des précédents servent de base aux suivants pour qu'ils puissent faire mieux, aller plus loin, découvrir davantage.

Alors bien sur, n'oublions pas le plaisir, le beau. Mais pour que ces deux-là puissent exister, il faut une bonne dose de rigueur scientifique dans l'étude et l'experience. Chaque cheval est unique ? Mais chaque cavalier aussi ! Et pourtant nous apprenons des bases qui nous sont essentielles pour monter et progresser. Bases que nous utilisons avec notre personnalité, notre culture, notre époque. Il en va de même pour les chevaux ! Les affinages sont au cas par cas, mais la base sur laquelle un dressage est constuit (équilibre, rectitude...) est la même pour tous.
L'équitation est un art ? Si ça peut rassurer ceux qui le pensent, très bien. Mais science n'est pas un gros mot pour autant. 





Mazeppa

            Un petit mot s'impose avant de vous faire part de mon premier article, celui-ci est une version simplifiée d'un travail que j'ai réalisé dans le cadre d'un de mes cours sur cinéma et cirque ( ah oui, je suis étudiante en Master de cinéma donc je risque de vous tanner sur le sujet ! ) donc il est à lire pour ce qu'il est : une étude de film mais que j'espère avoir rendu intéressante et accessible pour ceux qui auraient vu Mazeppa ou en auraient l'envie.



Cheval et cinéma : instruments rythmiques du cirque 
dans Mazeppa de Bartabas

            Bartabas, l’espace d’un instant, nous explique le cinéma. Traverser une cour en une heure de temps puis revenir en quelques secondes à la même place grâce à cette prouesse qu’est le galop arrière, la plus difficile des figures. Peut-être parce qu’elle donne l’impression de revenir dans le temps, de « rembobiner ». La même allure, une différente contraction temporelle, c’est là, l’art du cinéma que de se jouer de la réalité de l’instant. Et Bartabas galope arrière, arrière jusqu’à des temps lointains, des temps qui lui sont inconnus et qu’il s’approprie pourtant, ouvrant le rideau sur un pan de l’Histoire de ses origines. Un rideau qui est fait de peau, de crins, de cheveux. Le rideau qui laisse apparaître l’artiste. La piste. Le cirque.

             
            Les acteurs rient à gorge déployée. Ils rient, même le maître rit, le visage à découvert, lui qui ne fera que porter un masque toute sa vie. Un masque de cuir, l’apparence de la peau mais seulement l’apparence. C’est comme ce maquillage, ce visage peint en blanc, ces yeux noirs, des apparences de personnages. Ceux du cirque Franconi, son chapiteau rigide se dressant au-dessus de la foule, tout en hauteur pour attirer le public car si ils sont clowns, ils ne sont pas fous du roi mais rois eux-mêmes. Rois de la piste, où jouent acrobates et animaux, éveillant rires et effroi tour à tour dans les gradins. Des rois, certes, mais proches de leur cour qui participe, leur jette des chapeaux qu’ils ramassent dans la plus grande habileté de la voltige cosaque. Et c’est le contraste qui les habite. Alors qu’ils exercent l’art équestre militaire, la musique s’élève, d'où se détache la voix d’hommes et de femmes à la langue inconnue, exotique, à la tonalité orientale.


            Ces hommes et ces femmes au visage dur comme du marbre, à la voix de miel, qui sont-ils ? Tous ont fui un pays, une guerre. Et c’est là, la réalité du cirque, celle de la seconde chance. Et alors que se montrent tour à tour ces visages comme autant d’histoires à raconter, le partage se crée entre ces êtres, prêts à accueillir une nouvelle âme parmi eux. Son visage est beau, il n’a pas vécu, c’est Géricault et il a tout à apprendre. Il est l’un des leurs maintenant, il fait partie du cercle. Le cirque, c’est une vie de reclus car c’est un état, celui dans lequel on abandonne tout, au nom de la passion qui vibre à l’intérieur. Et on laisse son âme au maître, qu’il en fasse ce que bon lui semble car seul lui décide, seul lui ordonne. Et Franconi – Bartabas ? Ne sont-ils pas les mêmes ? - est de ces hommes pour qui la perfection n’existe pas mais que cette certitude n’empêche pas d’essayer de l’atteindre. Il est la rigueur et la précision, l’homme au bout du fouet qui inflige la sentence, douleurs physiques et risques n’étant pas de ces obstacles qui interrompent la répétition. Mais, à trop l’user, l’élève ne peut plus tirer sur la corde. Et l’élève parti, il manque au maître comme celui-ci était indispensable à sa vie.


            Car la mort rôde. Tout comme la vie. Les deux sont synonymes de célébration et de fête. On rit dans le sang des chevaux. On chante autour de la tombe de l’artiste. Comme l’on rit de deux amants qui s’embrassent. Et comme l’on chante pour le poulain qui vient de naître. Sous le regard du peintre, lui qui croyait être incapable de créer un cheval. Le voilà en chair et en os. Et sous le regard des autres chevaux, encore un public, qui sait l’importance de cet instant. Car c’est l’instinct qui les guide à rester à distance, ce même instinct qui les fait s’agiter autour de la tombe de l’acrobate, morte dans une ultime cascade. Car tout est spectacle, tout est  cirque, même la souffrance et la mort. Ces chevaux le savent, offrant un dernier numéro avant la fin. La fin de leur propre art mis à l’amende par les autres numéros de cirque. « Quand on aime les chevaux, on n’aime que les  chevaux ». Et c’est là l’histoire de ces deux hommes, Franconi et Géricault, qui meurent chaque jour avec eux. Et renaissent en buvant leur sang, en dessinant leur souvenir pour s’imprégner de leur puissance. Le maître n’est pas le cavalier, c’est le cheval. Il est celui qui apprend, celui que l’on regarde. Franconi enferme Géricault dans un box car il ne connait pas les chevaux même si il les monte, il ne peut s’imaginer être eux, être moins qu’eux et c’est là, l'essentiel. Car le cheval est artiste et modèle. C’est sa nature. Une saillie, une ferrure, tout est spectacle et si les hommes imitent les chevaux, c’est parce qu’ils rêvent de leur noblesse qu’ils tournent en dérision.


            Géricault, le peintre. Franconi, le cavalier. Tous deux font se rencontrer leurs arts comme Bartabas offre au cirque une nouvelle dimension en y laissant s’immiscer les codes du cinéma. Ce n’est pas la captation d’un spectacle, c’est l’artiste lui-même qui se redéfinit. Car le cinéma change tout. La portée est nouvelle, le regard tout à fait différent. Et pourtant, tout dans le cirque nous ramène à cet instant présent, ce moment décisif, cette instabilité du réel qui fait la beauté du spectacle vivant. Celle-là même qui vient se confronter aux arts de la représentation. Mais le cinéma ne se veut pas traduction littérale. Il ne recherche pas à montrer le cirque mais à l’utiliser. Celui-ci devient son sujet et son objet. Un objet hybride, possédant son propre langage. Où tout devient cirque, tout devient scène. Les acteurs jouent parfois d’un ton de réalité mais ils basculent dans le burlesque, la musique venant appuyer ce fantastique où la piste s’étend au monde. Et comme spectacle n’existe pas sans spectateurs, ceux-ci sont partout, en chacun, nous ramenant à notre propre condition, dans notre fauteuil : ce que nous voyons n’est que comédie. Et si la piste s’étend au monde, elle devient lieu de création. Être sur piste et l’on devient artiste.


            Et le rythme. Il est essentiel. Dans les battues de piaffer exécutées par le cheval comme si un métronome lui indiquait la cadence. Et le métronome, ce sont ces claquements de langue assénés par l’écuyer, ces claquements de langue qui sont seuls bruits filtrant le manège puis les grondements du cheval à l’effort et le crayon s’agitant sur le papier. Impossibles à entendre, exaltés, accélérés pour donner le rythme effréné et mener l’image à cette cadence d’enfer que seule peut rendre l’image filmée. Comme ces rires et ces bruits qui par un habile montage viennent agrémenter la musique, l’accompagner. Comme ce tapis roulant sur lequel galope sans fin le cheval de Géricault maudit, Mazeppa réincarné. C’est la magie du cinéma que cette manipulation habile du temps et du rythme. Et pourtant, ce n’est pas la vitesse qui nous apprend mais la lenteur, selon Franconi. La machine est capable des deux jusqu’à la décomposition du moindre mouvement mais c’est l’homme qui décide la cadence. Cette cadence qui doit être sans faille sinon la machine s’enraye, l’illusion s’efface et l’hypnose s’arrête. A 24 images par seconde.
 

lundi 28 mai 2012

Stellar ride

Alors oui, ce n'est pas une actu toute fraîche. Alors oui, vous l'avez déjà probablement vue.
Mais pour ceux qui ne l'ont pas regardée, cette vidéo mérite le détour.

Stellar ride, c'est la description faite d'une photo d'Helen Langehanenberg sur Eurodressage  Et elle lui va à merveille.

Quand j'ai vu cette reprise, j'ai vu que tout ce que j'aimais à cheval pouvait parfaitement être compatible avec la compétition et que c'est une erreur de croire que deux mondes sont irréconciliables. Pour ceux qui souffriraient de persistance rétinienne et à qui la simple évocation du mot "compétition" donne de l'urticaire, je ne peux rien faire, mais je ne m'en excuse pas, ou plus.

Pour les autres, les curieux, je vous recommande chaudement de (re)garder ces images. En tout cas moi, elles m'inspirent. 


P.S. oui on a envie que la commentatrice se taise des fois. Non tout le temps en fait.
P.P.S. : je voulais mettre la version française des commentaires, mais pour une sombre histoire d'incrustation de la vidéo il fallait absolument que ce soit une vidéo Youtube. Sinon ç'aurait été un lien
P.P.P.S : mais comme je suis bien bonne, voici aussi le lien pour profiter des commentaires en VF.

Les auteurs : Passage Piaffer

Crédit photo : Mélanie Dagnet

Je suis donc l'autre tête de ce blog bicéphale. Pauline, aka Passage Piaffer pour ceux qui l'auront connu.
Il fut un temps, pas si lointain, où Passage Piaffer occupait une place non négligeable dans ma vie. Mais voilà, à force de penser, rêver et parler cheval matin, midi et soir (pour ne pas dire "nuit" aussi) j'ai pris la décision de passer de l'autre côté de la barrière. D'amatrice je deviens finalement professionnelle. Ceux qui me connaissent bien disent que "de toutes façons, c'était écrit".
J'espère qu'ils ont raison.

Mais monter à cheval toute la journée ce n'est finalement pas assez puisque j'ai encore besoin de lire... et d'écrire. De parler de ce qui me prend la tête, de ce qui me fait rêver, de ce qui m'indigne ou m'enchante. Je croyais en avoir fini avec les blogs, mais grâce à (ou à cause de, selon le point de vue que l'on adopte !) Mélanie, je me rends compte que j'avais tort. 
P.S. : Jument vous salue ! 

dimanche 27 mai 2012

Les auteurs : Cerbère

Crédit photo : Prisca Cibrelus

La première membre de cette terrible équipe, c'est moi, Mélanie alias Cerbère, mon pseudo de pseudo-artiste et le nom de mon blog. Cavalière du dimanche ( mais aussi du lundi, du mardi, du mercredi ... ) à dos d'ibériques, j'essaye tant bien que mal de ne pas faire honte à ma coach en chef, mon amie, mon gourou ? Prisca qui m'a appris bien plus ces deux dernières années que je ne l'avais fait en dix années de club. Le dressage, c'est mon dada et je tente consciencieusement de m'appliquer à devenir une cavalière accomplie dans tous les airs de basse et haute école pour les utiliser, les pervertir peut-être, dans le domaine de l'art équestre. 

Car artiste je suis, artiste je serai toujours au fond de moi. Et les chevaux représentent une source d'inspiration sans faille tant leur nature est propice à la sublimation de la lumière, de l'objectif ... Il me plait de les prendre en photo presque autant que de les monter, de connaître et reconnaître ses détails qui font leur beauté dans l'intimité d'une écurie, d'un manège. De les filmer aussi car ils sont rois des mouvements et acteurs magiques. Vous l'aurez compris, je suis plutôt l'âme sensible du duo, celle qui vous montrera le cheval dans ses représentations, l'artiste qu'il est dépassant de loin le talent de ceux qui le représentent.

samedi 26 mai 2012

Le temps des haquenées

Le roi Jean, vaincu et prisonnier, entra à Londres comme vainqueur sur un beau cheval, avec le prince de Galles à son côté sur une petite haquenée. (Choisi, Hist. du roi Jean, I, 9)

"Un écuyer tenait en main deux chevaux ; l'un des deux était le cheval noir du comte ; l'autre était une haquenée blanche qui m'était destinée." (Alexandre Dumas, La Dame de Monsoreau, 1846)

Haquenée
Nature : s. f.
Prononciation : ha-ke-née
Etymologie : Espagn. hacanea ; portug. facanea ; ital. acchinea, chinea ; de l'angl. hackney ; holl. hakkenei, lesquels viennent du germanique hack ou hacke, cheval, et de l'anglais nag, holl. negge, bidet. Legoarant fait remarquer que l'amble porte en bas-breton le nom de hincané.

Cheval - plus couramment une jument - de nature douce allant à l'amble réservé aux femmes d'un autre temps.

Le temps des haquenées, c'est la rencontre de deux esprits décidés à mettre le pied à l'étrier. C'est aussi l'affirmation d'une féminité, d'un sport qui se féminise sans se vulgariser. C'est accepter d'être femme sans homme pour tenir notre destrier. C'est aussi et surtout réfuter l'art de la guerre pour une expression nouvelle : celle de l'élégance et de la beauté.

Le temps des haquenées, c'est ne pas oublier le chemin qui se déroule derrière mais toujours galoper devant. C'est ne pas s'engoncer dans un carcan, s'enfermer dans un savoir mais toujours chercher avant. C'est s'ouvrir aux autres et ne pas penser que pour son clan. Et laisser entrer, qu'ils soient d'airs ou de pensées, les courants.