mardi 29 mai 2012

Oui mais moi, je fais du lard !

Carré Blanc sur fond blanc, Malévitch 

Ou encore l'art et le cochon, c'est comme on veut. (non je ne prétends pas gagner la palme du titre le plus subtil de l'année) 

Cette note m'est venue en tête à force de lire "oui mais moi je fais de l'art" ou encore "l'équitation n'est pas une science, mais un art". Traduction : je fais ce que je veux avec mon cheval car il n'y a que moi qui le connaît et que de toutes façons si on essaie de faire autrement il ne voudra pas car il est trop sensible, émotif, fragile, chaud, rayez la mention inutile.
Zutalors. On m'aurait menti ? L'art signifie l'improvisation, le bidouillage, la création maison ? 


Et si on allait à la rencontre des autres arts, qu'y apprend-on ? Qu'avant de se prendre pour Chopin on fait du solfège (pas drôle !), qu'avant de sculpter on apprend la notion des volumes et des proportions (ouh, on dirait de la géomètrie dans l'espace)... Bref qu'avant de créer on apprend les bases d'une discipline, les sciences
qui les définissent et les régissent, parce que nous ne naissons pas tous Mozart et que si certains sont naturellement doués pour quelque chose (les bienheureux !), je parle ici du commun des mortels. Et surtout de moi parce que je suis égocentrée/centrique. 

Et monter à cheval, même si cela implique de travailler avec un être vivant ce qui rend la discipline unique il est vrai, obéit pourtant aux mêmes règles. Avant de vouloir dresser un cheval, si nous nous appliquions à apprendre les sciences qui sont indispensables à la réussite de cette entreprise ? Au hasard pour faire savant : biomécanique, éthologie... c'est vulgaire, pompeux? Pourtant observer le cheval c'est ce que les "anciens" ont fait pour les dresser, et cela même avant l'invention de ces mots. Les écuyers étaient déjà des scientifiques, et en cherchant à améliorer le cheval par l'invention de la gymnastique, du dressage, ils raisonnaient déjà avec la recherche de la logique et du rationel. L'inventeur de l'épaule en dedans ne l'a pas fait pour se faire mousser auprès de ses contemporains. Et comme dans une science, cette découverte à révolutionné la pratique pour en permettre d'autres.


Comme toute science, l'équitation est en perpétuelle évolution, avec des inventions parfois géniales, parfois ravageuses. Les travaux des précédents servent de base aux suivants pour qu'ils puissent faire mieux, aller plus loin, découvrir davantage.

Alors bien sur, n'oublions pas le plaisir, le beau. Mais pour que ces deux-là puissent exister, il faut une bonne dose de rigueur scientifique dans l'étude et l'experience. Chaque cheval est unique ? Mais chaque cavalier aussi ! Et pourtant nous apprenons des bases qui nous sont essentielles pour monter et progresser. Bases que nous utilisons avec notre personnalité, notre culture, notre époque. Il en va de même pour les chevaux ! Les affinages sont au cas par cas, mais la base sur laquelle un dressage est constuit (équilibre, rectitude...) est la même pour tous.
L'équitation est un art ? Si ça peut rassurer ceux qui le pensent, très bien. Mais science n'est pas un gros mot pour autant. 





Mazeppa

            Un petit mot s'impose avant de vous faire part de mon premier article, celui-ci est une version simplifiée d'un travail que j'ai réalisé dans le cadre d'un de mes cours sur cinéma et cirque ( ah oui, je suis étudiante en Master de cinéma donc je risque de vous tanner sur le sujet ! ) donc il est à lire pour ce qu'il est : une étude de film mais que j'espère avoir rendu intéressante et accessible pour ceux qui auraient vu Mazeppa ou en auraient l'envie.



Cheval et cinéma : instruments rythmiques du cirque 
dans Mazeppa de Bartabas

            Bartabas, l’espace d’un instant, nous explique le cinéma. Traverser une cour en une heure de temps puis revenir en quelques secondes à la même place grâce à cette prouesse qu’est le galop arrière, la plus difficile des figures. Peut-être parce qu’elle donne l’impression de revenir dans le temps, de « rembobiner ». La même allure, une différente contraction temporelle, c’est là, l’art du cinéma que de se jouer de la réalité de l’instant. Et Bartabas galope arrière, arrière jusqu’à des temps lointains, des temps qui lui sont inconnus et qu’il s’approprie pourtant, ouvrant le rideau sur un pan de l’Histoire de ses origines. Un rideau qui est fait de peau, de crins, de cheveux. Le rideau qui laisse apparaître l’artiste. La piste. Le cirque.

             
            Les acteurs rient à gorge déployée. Ils rient, même le maître rit, le visage à découvert, lui qui ne fera que porter un masque toute sa vie. Un masque de cuir, l’apparence de la peau mais seulement l’apparence. C’est comme ce maquillage, ce visage peint en blanc, ces yeux noirs, des apparences de personnages. Ceux du cirque Franconi, son chapiteau rigide se dressant au-dessus de la foule, tout en hauteur pour attirer le public car si ils sont clowns, ils ne sont pas fous du roi mais rois eux-mêmes. Rois de la piste, où jouent acrobates et animaux, éveillant rires et effroi tour à tour dans les gradins. Des rois, certes, mais proches de leur cour qui participe, leur jette des chapeaux qu’ils ramassent dans la plus grande habileté de la voltige cosaque. Et c’est le contraste qui les habite. Alors qu’ils exercent l’art équestre militaire, la musique s’élève, d'où se détache la voix d’hommes et de femmes à la langue inconnue, exotique, à la tonalité orientale.


            Ces hommes et ces femmes au visage dur comme du marbre, à la voix de miel, qui sont-ils ? Tous ont fui un pays, une guerre. Et c’est là, la réalité du cirque, celle de la seconde chance. Et alors que se montrent tour à tour ces visages comme autant d’histoires à raconter, le partage se crée entre ces êtres, prêts à accueillir une nouvelle âme parmi eux. Son visage est beau, il n’a pas vécu, c’est Géricault et il a tout à apprendre. Il est l’un des leurs maintenant, il fait partie du cercle. Le cirque, c’est une vie de reclus car c’est un état, celui dans lequel on abandonne tout, au nom de la passion qui vibre à l’intérieur. Et on laisse son âme au maître, qu’il en fasse ce que bon lui semble car seul lui décide, seul lui ordonne. Et Franconi – Bartabas ? Ne sont-ils pas les mêmes ? - est de ces hommes pour qui la perfection n’existe pas mais que cette certitude n’empêche pas d’essayer de l’atteindre. Il est la rigueur et la précision, l’homme au bout du fouet qui inflige la sentence, douleurs physiques et risques n’étant pas de ces obstacles qui interrompent la répétition. Mais, à trop l’user, l’élève ne peut plus tirer sur la corde. Et l’élève parti, il manque au maître comme celui-ci était indispensable à sa vie.


            Car la mort rôde. Tout comme la vie. Les deux sont synonymes de célébration et de fête. On rit dans le sang des chevaux. On chante autour de la tombe de l’artiste. Comme l’on rit de deux amants qui s’embrassent. Et comme l’on chante pour le poulain qui vient de naître. Sous le regard du peintre, lui qui croyait être incapable de créer un cheval. Le voilà en chair et en os. Et sous le regard des autres chevaux, encore un public, qui sait l’importance de cet instant. Car c’est l’instinct qui les guide à rester à distance, ce même instinct qui les fait s’agiter autour de la tombe de l’acrobate, morte dans une ultime cascade. Car tout est spectacle, tout est  cirque, même la souffrance et la mort. Ces chevaux le savent, offrant un dernier numéro avant la fin. La fin de leur propre art mis à l’amende par les autres numéros de cirque. « Quand on aime les chevaux, on n’aime que les  chevaux ». Et c’est là l’histoire de ces deux hommes, Franconi et Géricault, qui meurent chaque jour avec eux. Et renaissent en buvant leur sang, en dessinant leur souvenir pour s’imprégner de leur puissance. Le maître n’est pas le cavalier, c’est le cheval. Il est celui qui apprend, celui que l’on regarde. Franconi enferme Géricault dans un box car il ne connait pas les chevaux même si il les monte, il ne peut s’imaginer être eux, être moins qu’eux et c’est là, l'essentiel. Car le cheval est artiste et modèle. C’est sa nature. Une saillie, une ferrure, tout est spectacle et si les hommes imitent les chevaux, c’est parce qu’ils rêvent de leur noblesse qu’ils tournent en dérision.


            Géricault, le peintre. Franconi, le cavalier. Tous deux font se rencontrer leurs arts comme Bartabas offre au cirque une nouvelle dimension en y laissant s’immiscer les codes du cinéma. Ce n’est pas la captation d’un spectacle, c’est l’artiste lui-même qui se redéfinit. Car le cinéma change tout. La portée est nouvelle, le regard tout à fait différent. Et pourtant, tout dans le cirque nous ramène à cet instant présent, ce moment décisif, cette instabilité du réel qui fait la beauté du spectacle vivant. Celle-là même qui vient se confronter aux arts de la représentation. Mais le cinéma ne se veut pas traduction littérale. Il ne recherche pas à montrer le cirque mais à l’utiliser. Celui-ci devient son sujet et son objet. Un objet hybride, possédant son propre langage. Où tout devient cirque, tout devient scène. Les acteurs jouent parfois d’un ton de réalité mais ils basculent dans le burlesque, la musique venant appuyer ce fantastique où la piste s’étend au monde. Et comme spectacle n’existe pas sans spectateurs, ceux-ci sont partout, en chacun, nous ramenant à notre propre condition, dans notre fauteuil : ce que nous voyons n’est que comédie. Et si la piste s’étend au monde, elle devient lieu de création. Être sur piste et l’on devient artiste.


            Et le rythme. Il est essentiel. Dans les battues de piaffer exécutées par le cheval comme si un métronome lui indiquait la cadence. Et le métronome, ce sont ces claquements de langue assénés par l’écuyer, ces claquements de langue qui sont seuls bruits filtrant le manège puis les grondements du cheval à l’effort et le crayon s’agitant sur le papier. Impossibles à entendre, exaltés, accélérés pour donner le rythme effréné et mener l’image à cette cadence d’enfer que seule peut rendre l’image filmée. Comme ces rires et ces bruits qui par un habile montage viennent agrémenter la musique, l’accompagner. Comme ce tapis roulant sur lequel galope sans fin le cheval de Géricault maudit, Mazeppa réincarné. C’est la magie du cinéma que cette manipulation habile du temps et du rythme. Et pourtant, ce n’est pas la vitesse qui nous apprend mais la lenteur, selon Franconi. La machine est capable des deux jusqu’à la décomposition du moindre mouvement mais c’est l’homme qui décide la cadence. Cette cadence qui doit être sans faille sinon la machine s’enraye, l’illusion s’efface et l’hypnose s’arrête. A 24 images par seconde.
 

lundi 28 mai 2012

Stellar ride

Alors oui, ce n'est pas une actu toute fraîche. Alors oui, vous l'avez déjà probablement vue.
Mais pour ceux qui ne l'ont pas regardée, cette vidéo mérite le détour.

Stellar ride, c'est la description faite d'une photo d'Helen Langehanenberg sur Eurodressage  Et elle lui va à merveille.

Quand j'ai vu cette reprise, j'ai vu que tout ce que j'aimais à cheval pouvait parfaitement être compatible avec la compétition et que c'est une erreur de croire que deux mondes sont irréconciliables. Pour ceux qui souffriraient de persistance rétinienne et à qui la simple évocation du mot "compétition" donne de l'urticaire, je ne peux rien faire, mais je ne m'en excuse pas, ou plus.

Pour les autres, les curieux, je vous recommande chaudement de (re)garder ces images. En tout cas moi, elles m'inspirent. 


P.S. oui on a envie que la commentatrice se taise des fois. Non tout le temps en fait.
P.P.S. : je voulais mettre la version française des commentaires, mais pour une sombre histoire d'incrustation de la vidéo il fallait absolument que ce soit une vidéo Youtube. Sinon ç'aurait été un lien
P.P.P.S : mais comme je suis bien bonne, voici aussi le lien pour profiter des commentaires en VF.

Les auteurs : Passage Piaffer

Crédit photo : Mélanie Dagnet

Je suis donc l'autre tête de ce blog bicéphale. Pauline, aka Passage Piaffer pour ceux qui l'auront connu.
Il fut un temps, pas si lointain, où Passage Piaffer occupait une place non négligeable dans ma vie. Mais voilà, à force de penser, rêver et parler cheval matin, midi et soir (pour ne pas dire "nuit" aussi) j'ai pris la décision de passer de l'autre côté de la barrière. D'amatrice je deviens finalement professionnelle. Ceux qui me connaissent bien disent que "de toutes façons, c'était écrit".
J'espère qu'ils ont raison.

Mais monter à cheval toute la journée ce n'est finalement pas assez puisque j'ai encore besoin de lire... et d'écrire. De parler de ce qui me prend la tête, de ce qui me fait rêver, de ce qui m'indigne ou m'enchante. Je croyais en avoir fini avec les blogs, mais grâce à (ou à cause de, selon le point de vue que l'on adopte !) Mélanie, je me rends compte que j'avais tort. 
P.S. : Jument vous salue ! 

dimanche 27 mai 2012

Les auteurs : Cerbère

Crédit photo : Prisca Cibrelus

La première membre de cette terrible équipe, c'est moi, Mélanie alias Cerbère, mon pseudo de pseudo-artiste et le nom de mon blog. Cavalière du dimanche ( mais aussi du lundi, du mardi, du mercredi ... ) à dos d'ibériques, j'essaye tant bien que mal de ne pas faire honte à ma coach en chef, mon amie, mon gourou ? Prisca qui m'a appris bien plus ces deux dernières années que je ne l'avais fait en dix années de club. Le dressage, c'est mon dada et je tente consciencieusement de m'appliquer à devenir une cavalière accomplie dans tous les airs de basse et haute école pour les utiliser, les pervertir peut-être, dans le domaine de l'art équestre. 

Car artiste je suis, artiste je serai toujours au fond de moi. Et les chevaux représentent une source d'inspiration sans faille tant leur nature est propice à la sublimation de la lumière, de l'objectif ... Il me plait de les prendre en photo presque autant que de les monter, de connaître et reconnaître ses détails qui font leur beauté dans l'intimité d'une écurie, d'un manège. De les filmer aussi car ils sont rois des mouvements et acteurs magiques. Vous l'aurez compris, je suis plutôt l'âme sensible du duo, celle qui vous montrera le cheval dans ses représentations, l'artiste qu'il est dépassant de loin le talent de ceux qui le représentent.

samedi 26 mai 2012

Le temps des haquenées

Le roi Jean, vaincu et prisonnier, entra à Londres comme vainqueur sur un beau cheval, avec le prince de Galles à son côté sur une petite haquenée. (Choisi, Hist. du roi Jean, I, 9)

"Un écuyer tenait en main deux chevaux ; l'un des deux était le cheval noir du comte ; l'autre était une haquenée blanche qui m'était destinée." (Alexandre Dumas, La Dame de Monsoreau, 1846)

Haquenée
Nature : s. f.
Prononciation : ha-ke-née
Etymologie : Espagn. hacanea ; portug. facanea ; ital. acchinea, chinea ; de l'angl. hackney ; holl. hakkenei, lesquels viennent du germanique hack ou hacke, cheval, et de l'anglais nag, holl. negge, bidet. Legoarant fait remarquer que l'amble porte en bas-breton le nom de hincané.

Cheval - plus couramment une jument - de nature douce allant à l'amble réservé aux femmes d'un autre temps.

Le temps des haquenées, c'est la rencontre de deux esprits décidés à mettre le pied à l'étrier. C'est aussi l'affirmation d'une féminité, d'un sport qui se féminise sans se vulgariser. C'est accepter d'être femme sans homme pour tenir notre destrier. C'est aussi et surtout réfuter l'art de la guerre pour une expression nouvelle : celle de l'élégance et de la beauté.

Le temps des haquenées, c'est ne pas oublier le chemin qui se déroule derrière mais toujours galoper devant. C'est ne pas s'engoncer dans un carcan, s'enfermer dans un savoir mais toujours chercher avant. C'est s'ouvrir aux autres et ne pas penser que pour son clan. Et laisser entrer, qu'ils soient d'airs ou de pensées, les courants.