mercredi 20 juin 2012

Date de péremption

Bon le titre est volontairement de mauvais goût, mais il recouvre une certaine réalité. En dressage, il existe une date de péremption. Pour les chevaux, mais aussi pour les cavaliers.



Un style marque une époque... et la discipline continue d'évoluer, les jugements, les chevaux, les regards, les techniques...
Le retour d'Anky van Grunsven à Saumur n'a pas été à la hauteur des attentes de son entraîneur, et Isabell Werth songe à arrêter la course aux J.O. faute de pouvoir égaler les nouvelles étoiles allemandes de la discipline.

Je pense à ces deux cavalières car elles ont tout gagné, et qu'on aime ou non leur équitation (à titre personnel c'est "non", mais je ne peux que m'incliner devant la force de travail qu'il faut pour se propulser à ce niveau et ce aussi longtemps), elles ont permis au dressage de sortir de la naphtaline dans laquelle il baignait.

Et ce constat, je le fais aussi pour d'autres cavaliers. Récemment je regardais des vidéos d'un écuyer du XXe siècle. La séance de travail était intéressante, le résultat aussi. Mais franchement, ça ne me vendait pas du rêve comme on dit. Et pourtant, si on m'avait demandé ce que je pensais de l'écuyer en question quelques années auparavant, j'aurais probablement dit quelque chose comme "waaaaouh".

J'imagine que cette date de péremption est simplement le reflet d'une vision personnelle, de mon oeil, bref, que chacun d'entre nous possède sa propre sensibilité à ce sujet et que rien n'est figé, mais toujours en évolution.

Sommes-nous périssables dès lors que quelqu'un fait mieux, ou simplement lorsque nous cessons d'apprendre et d'évoluer ? Je n'ai pas la réponse, mais je reconnais que la question me travaille.







dimanche 3 juin 2012

Une leçon

bienveillance, nom féminin :
Définition : disposition d'esprit inclinant à la compréhension, à l'indulgence envers autrui.


Synonymes : affabilité, aide, altruisme, amabilité, amitié, bénévolence, bénignité, bienfaisance, bon accueil, bonne volonté, bonté, bon vouloir, charité, clémence, coeur, complaisance, compréhension, condescendance, cordialité, débonnaireté, dévouement, douceur, faveur, générosité, gentillesse, grâce, honnêteté, humanité, indulgence, intérêt, magnanimité, mansuétude, obligeance, ouverture d'esprit, prévenance, sympathie, tolérance.

Pour le commandant Licart, la bienveillance devait être une des qualités primordiales d'un dresseur.

Sommes-nous toujours bienveillants à l'égard des chevaux ? Je crains que la réponse soit négative. Peu de gens peuvent se targuer d'avoir un calme à toute épreuve, une bienveillance sans faille... et surtout sans que ces qualités ne soient issues de très longues années de pratiques équestre où elles ont pu briller par leur absence. Une découverte amenée par l'experience... mieux vaut tard que jamais, mais tôt aurait été préférable.

Et au delà de la bienveillance envers les chevaux, il en va aussi de la bienveillance que l'on peut avoir pour soi-même en tant que cavalier. Accepter ses erreurs, ses lacunes, ne pas placer la barre au sommet de l'Everest, ne pas blâmer le cheval par mauvaise foi.

Si j'ai un garde fou pour la première option qui est de descendre quand je sens que ça ne va plus, je suis une grande spécialiste de la seconde... qui m'amène bien évidement à la première. Et le cercle vicieux démarre ainsi.
Entre hier et aujourd'hui, j'ai pris une bonne leçon de bienveillance. Leçon que je partage, si elle peut servir à qui que ce soit.

Hier j'étais donc à cheval sur T. un gros KWPN aussi talentueux que froid (et inversement). Le genre Die Grosseuh Machineuh doté d'un diesel de sous-marin. Top quand il est en route, encore faut-il le démarrer.
Hier le moteur est resté froid, hier le chef était dans le manège et montait pendant que je montais. Hier j'ai eu honte de moi et j'enrageais à l'idée de ne pas arriver à obtenir le quart du dixième de ce que je peux avoir quand je suis seule. Hier j'ai préféré renoncer dans l'amertume. Le chef a résumé ça par un laconique "tu fuis". Qui s'en est suivi par une conversation sur l'acceptation et la bienveillance.
Je suis rentrée chez moi d'une humeur de chien.
J'ai mis la nuit pour digérer.

Aujourd'hui je me suis dit "je m'en fous, je prends ce qu'il me donne".  Voyant que ça démarrait aussi mal j'ai refais mes bases, mes gammes, j'ai cherché une solution en acceptant que le diesel ne se lance pas comme je le voudrais.
Au bout d'une quinzaine de minutes de solfège tranquille (et bienveillant !), T. s'est mis tout seul dans un nouveau trot rassemblé. Pas un trot "Holywood", pas un trot de grosse mécanique comme il sait le faire, juste un joli trot sobre aussi agréable à regarder qu'à monter. Un trot que je n'avais jamais eu avec lui, et dont la découverte m'a enchantée.
Peut-être que ce trot là ne reviendra pas demain, peut-être que si. Mais ça n'a aucune importance, la leçon du jour n'était pas ici.

La leçon du jour était une leçon de bienveillance, aussi nécessaire pour l'humilité que pour l'estime de soi. Les deux vont très bien de paire et je remercie T. de me l'avoir expliqué et de m'avoir réconciliée avec moi-même.



Note : un peace tie dye je trouvais que c'était très indiqué pour illustrer cette note pleine de mièvrerie. Et puis ne faites pas les rabat-joie je suis sure que ça vous rappelle vos beaux t-shirts javelisés des années 90 !


samedi 2 juin 2012

Ca, c'est spectacle !

Cet article est à prendre avec l'ironie nécessaire et tant pis pour ceux que ça fait grincer des dents !


Ça, c'est spectacle !

Piaffer ou cabrer sur le béton, ça c'est spectacle !
Avoir le rein maigre mais le cheveu long, ça c'est spectacle !
La tension ? Le dos en baignoire, ça c'est spectacle !
La rectitude ? Marcher en crabe, ça c'est spectacle !
Du jeté de papattes ou du trot du genou, ça c'est spectacle !
Détruire la bouche ou les jarrets de son cheval, ça c'est spectacle !

Vous l'aurez compris, il y a un pan du monde équestre - parmi d'autres mais ceux-là me concernent moins - qui me laisse souvent sans voix - et ce n'est pas de bonne augure ici - qu'est le spectacle. Je ne parlerais pas ici d'art, ma copine Pauline l'a très bien fait, d'autant que même si certains utilisent l'expression à toutes les sauces, c'est pour moi, au même titre que la qualification qu'en font les aficionados de la corrida, une insulte à tous les créateurs, à ces personnes ayant une réelle démarche autre que celle de plaire au public et de gonfler leur propre ego. L'art n'est pas à confondre avec le divertissement si il peut très bien fusionner avec lui. Bref, faire une entrée au pas espagnol costumé sur de la musique ne fait pas de vous un artiste.

Je ne condamne pas tout le monde du spectacle, bien sûr que non. Même si je ne me sens pas touchée par le travail de certains, je sais reconnaître la prouesse technique, la maîtrise de l’exécution et le respect du cheval quand ils sont présents. Ce que je déplore, d'autant plus quand on se rapproche de l'époque des salons du cheval, c'est la foire à neuneu dans laquelle tout le monde qui peut plus ou moins faire n'importe quoi avec son cheval du moment qu'il y a quelques badauds pour regarder se retrouve propulsé au même rang que les premiers cités. Car, et c'est là que le bât blesse, il est aisé dans le milieu de ne se fier qu'à l'avis d'un public novice et facilement impressionnable plutôt qu'à ses pairs. Un cabrer, même intempestif, un piaffer d'énervement, un galop-arrêt avec trois dents en moins, tout ça est du plus bel effet quand on ne connait pas l'animal et l'équitation. Alors, la voie n'est pas noble mais le chemin est facile. Qui pour croire que tous préfèrent répéter gentiment leurs gammes dans un manège plutôt que d'accéder à une notoriété rapide ?

Mais tout ceci est bien trop sérieux, messieurs, dames ! Revenons à un thème plus léger mais qui me hérisse le poil bien souvent, du moins qui me fait redouter la mort imminente de mes tympans. Je tiens donc à évoquer ici l'accompagnement musical. Ce qui rejoint une espèce d'idée de folklore équestre où l'évolution semble être une espèce de formule abstraite dans laquelle il ne faut surtout pas baigner sous peine de se voir traiter comme une sorte d'être particulier, un marginal. Mais je m'éloigne encore une fois de mon point de départ puisque je pense que le combat classique vs. moderne prendra place dans une autre note. Donc, qui jamais ne s'est rendu à une démonstration où musique classique - et je ne parle pas là du terreau immense qu'est celle-ci vu que son utilisation doit être de 5 % dans le domaine équestre comprenant les "classiques des classiques" et d'autres trucs chiants - et flamenco se battent en duel, dans un tel marasme que vous ne soupçonniez pas qu'on puisse faire autant de variations tout en ayant l'impression que c'est la même mélodie qui se déroule en boucle ? Pour sortir un peu du cauchemar,  vous avez également la musique de film, ces morceaux grandiloquents visant à démontrer la PUISSANCE de la monture indomptable dompté pour l'occasion ! Alors, plouf plouf, Pirates des Caraïbes ou Gladiator ?

Cette note me rappelle une discussion sur l'idée d'une musique qui ne colle pas aux émotions, à l'intrigue au cinéma. C'est un peu ce qui différencie Hollywood du film d'auteur. Il y a un choix à faire, se laisser bercer par des effets complètement stéréotypés qui vous orientent vers un plaisir facile et la mort de votre cerveau ou prendre le parti d'être surpris, désorienté, attaqué dans vos convictions, blessé peut-être mais au moins vivant. Vous l'aurez compris, le mien est tout fait, il ne concerne que moi et merde, ne me sortez pas des reprises faites sur du Lady Gaga ou autre single à la mode. Parce que c'est différent mais ce n'est pas mieux ! C'est encore de la poudre aux yeux pour plaire au plus grand nombre. Réintroduisons de l'art, de la culture et du sentiment dans le cheval ! Que chacun prêche pour sa paroisse mais qu'il y ait un peu d'inventivité dans l'air ! Que chacun bouscule l'autre dans une entente cordiale ! Et que soit redoré le blason des cavaliers ! Nous ne sommes ni des bouseux, ni des snobs, juste des gens comme les autres avec un compagnon qui nous prête deux jambes supplémentaires pour que nous soyons plus forts ensemble.

( Pour ceux qui n'auraient pas reconnu l'image, il s'agit de la série "Palace" : http://www.youtube.com/watch?v=96ETQogBm3Q )