jeudi 15 novembre 2012

Le dressage et son mythe

© Cerbère - Carlos Pinto et Notavel à Cheval Passion



L'article que je consacre aujourd'hui au dressage va sembler d'une simplicité effarante aux initiés. Parce qu'il ne s'adresse pas à la technique mais au coeur des cavaliers. Dans cet instant suspendu entre la nostalgie d'un temps révolu et la grâce de nouvelles sensations. Quand tout devient plus difficile dans son concept et plus facile dans sa réalisation. Quand le cheval donne tellement et qu'il semble qu'il y ait toujours plus à prendre. Et quand le cavalier se sent centaure sans oublier qu'il appartient à la terre.

Dix ans. C'est approximativement le temps que j'ai considéré nécessaire pour être à peu près regardable à cheval. Et dix ans, c'est long. C'est une carrière de sportif. C'est plus qu'un doctorat. Faut-il bien être masochiste pour endurer une dizaine d'années de travail avant un résultat loin de la satisfaction intégrale ? Peu de sports sont régis par une telle exigence. Mais quand je parle de sport, je ne parle pas de l'équitation dans sa globalité dans laquelle le loisir est tout à fait intégré. Je parle ici de dressage.

Et de Dressage avec un grand D. Parce que c'est comme cela qu'on le voit quand on est jeune cavalier. Une entité peut-être noble mais surtout lointaine et effrayante. C'est la faute ou la cause à l'approximation de notre apprentissage tout neuf. Le Dressage, c'est enrobé de termes gros comme lui. Ça cause Pirouette, Piaffer, Passage. Et puis, ça va avec tout son folklore. Une Bride, des Eperons, un Chapeau. Grand diable, comment est-ce que cette forme patatoïde que j'essaye de rendre cercle pourrait entrer dans les prémices de cette institution ?

Tous les cavaliers pratiquent le dressage, c'est plus ou moins la fonction de son intitulé fourre-tout qui vaut des regards interrogateurs de tout non-initié. Mais tous ne sont pas cavaliers de dressage. J'évoque le "mythe" du dressage car je crois réellement que cette discipline relève de cette idée plus qu'une autre. C'est déjà ces croyances de jeune cavalier au couple centaure que l'on voit enchaîner figures sans que rien ne semble indiquer communication entre les deux si ce n'est celle intuitive. Puis, c'est l'accès à la connaissance, aux premiers émois, bribes d'airs et de figures. Qui viennent avec leur lot de méthodes et de gourous.

Je ne pense pas vous surprendre, amis lecteurs, en considérant que le milieu du dressage est tout particulier dans son fonctionnement qui peut s'apparenter à celui d'une religion. Pas d'une secte, ce serait croire que tout le monde suit la même logique. Non, le dressage, c'est la chrétienté, les adeptes du dressage moderne, les protestants, ceux du dressage classique, les catholiques ( ou vice versa ) et le reste fait sa petite recette dans son coin avec plus ou moins de radicalité. Je vais trop loin ? Mais n'est-ce pas en dressage que sont évoqués textes fondateurs et autres maîtres écuyers ?

Au début, je crois en Dieu. Puis, j'apprends que c'est peut-être pas tout à fait comme c'est écrit dans la Bible. Et je continue de croire. Mais plus innocemment. Le dressage, c'est la même chose. J'admire les grands cavaliers. Et, plus j'apprends, plus j'en vois les ficelles, moins ils appartiennent au domaine du rêve. Mais je continue à fantasmer de cette transition passage-piaffer - même si elle avance un peu. Du coup, je suis moins radical. Je hoche la tête quand les pro-cordelettes s'indignent contre la bride. Nous n'avons pas la même croyance mais nous pouvons vivre en paix.

Et pourtant, le dressage, c'est le théâtre de croisades régulières pour sa méthode, contre les autres. Puis, aussi, contre les autres disciplines tant qu'à faire. Bien sûr, il y a les modérés, ceux qui font moins de vagues, qui enchaînent tranquillement leurs gammes dans le coin de leur manège. Jusqu'à ce qu'on sorte fourches et bûcher pour une photo ou une vidéo qui, pour une raison ou une autre - le plus souvent celle du manque de réseau - fustige la grande Académie du dressage. Car, tous, nous devrions nous cacher : le dressage ne tolère que la perfection.